Pression parentale et burn-out.

C’est un phénomène de plus en plus observable dans ma pratique : des parents épuisés, effondrés, ne réussissant plus à s’occuper de leurs enfants. Bien évidemment le confinement et la crise sanitaire actuelle n’ont rien arrangé. Les parents ont dû gérer l’école à la maison, les tâches ménagères, le travail à domicile… Certains parents arrivent en thérapie clairement en situation de burn-out parental et d’autres n’en sont pas loin. Car oui, le burn-out, quel qu’il soit d’ailleurs (parental ou professionnel), n’apparaît pas subitement. C’est un processus, un engrenage, un cercle vicieux dans lequel on s’enfonce progressivement jusqu’à arriver à un épuisement physique et psychique qui empêche les parents de faire face au quotidien avec leurs enfants. C’est un sujet tabou et encore peu documenté. “Tu l’as voulu ? Tu l’assumes ! ” diront certains pour alourdir un peu plus la culpabilité du parent qui demande de l’aide. Les parents dans cette situation ne se reconnaissent plus. Comment un de leur plus grand bonheur (avoir des enfants) a-t-il pu se transformer en véritable cauchemar ?

Les parents d’aujourd’hui vivent sous une pression constante. Être parent au 21e siècle c’est être capable d’être épanouie professionnellement (c’est mieux), mais aussi faire en sorte que les enfants restent en bonne santé, soient (très bien) éduqués, heureux, épanouis et sereins. C’est aussi veiller à favoriser l’épanouissement de leur personnalité, développer leurs aptitudes mentales et physiques dans toute la mesure de leurs potentialités, les préparer convenablement à assumer leurs futures responsabilités d’adulte, leur inculquer le respect des aînés, de leur culture, des autres… Et puis il faut aussi veiller à entretenir sa vie de couple, ses envies de loisirs, maintenir une vie personnelle épanouie… et là, on souffle, on souffre, déjà épuisé à la seule perspective de devoir mettre tout cela en œuvre au quotidien.

L’avis des psys, médecins, éducateurs,…

Être parent aujourd’hui c’est être confronté à toutes les nouvelles connaissances que nous avons concernant le développement de l’enfant. Partant d’un bon sentiment et avec l’idée d’apprendre aux parents à donner le meilleur à leurs enfants, les professionnels de la petite enfance ont, sans le vouloir, fait pression sur les parents qui cherchent bien évidemment à faire ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants. Les psys ont ainsi expliqué que les enfants avaient besoin de disponibilité, d’écoute et d’empathie en prônant une éducation positive et bienveillante. Les méthodes éducatives alternatives sont de plus en plus répandues et les recherches sur le sujet mettent en évidence l’intérêt de ces outils pour les apprentissages (Montessori, Steiner …). Les médecins et les spécialistes de la santé ont, quant à eux, mis en exergue l’importance d’une alimentation équilibrée riche en fruits et légumes (de saison et bio de préférence), les bienfaits de l’allaitement pour les plus petits et a contrario les méfaits du bisphénol A et des perturbateurs endocriniens dans notre quotidien. La liste est longue et donne le vertige. Maternage proximal, IEF, DME, la LSF pour les bébés, accoucher naturellement, … Les manières d’être et les pratiques associées au développement optimal et harmonieux de l’enfant sont passionnantes mais inapplicables telle quelle dans la réalité. Et le problème est bien là : les parents veulent faire de leur mieux et face à toutes ces informations il est facile de perdre pied. Les parents perfectionnistes, ceux qui se posent beaucoup de questions et qui aiment faire toujours plus sont bien évidemment les premières victimes.

Des modèles identificatoires inatteignables.

L’image et l’idée d’une parentalité optimale, efficace, épanouie et sereine est véhiculée un peu partout. La pression sociétale se retrouve dans les publicités (images de familles parfaites et épanouies), dans les recommandations placardées dans la salle d’attente chez le pédiatre (“5 fruits et légumes par jour…”, “pas d’écran avant 3 ans…”) et comme si nous n’étions pas assez sous pression, nous partons à la recherche d’autres injonctions que nous nous imposons en consultant les réseaux sociaux. En prenant les autres comme modèle sur Facebook, Youtube ou Instagram, on oublie souvent que les photos et les vidéos ne reflètent pas la réalité et que nous-même avons tendance à partager le meilleur de notre parentalité et de nos enfants. Le piège c’est qu’il y a une illusion de facilité dans ces contenus auxquels nous sommes constamment exposés et cela peut vite conduire vers une véritable descente aux enfers quand on a l’impression que tout le monde réussit sauf nous. Prendre du recul est alors nécessaire. Il ne s’agit pas de blâmer ceux qui partagent des contenus sur la parentalité. Tout comme les psys, les médecins, les sages-femmes, les éducateurs et les autres professionnels du développement de l’enfant, leurs intentions sont bonnes. Les personnes qui publient sur les réseaux sociaux ont souvent de bonnes intentions et cherchent avant tout à partager des choses qui leur correspondent (mais qui ne vous correspondront pas forcément !).

Idéal versus réalité

Certains parents sont plus sensibles que d’autres et ce sont souvent les plus investis, ceux qui cherchent à tout prix à être de “super parents” qui risquent le plus l’épuisement. Toutes les informations que vous pouvez entendre, lire ou étudier sont souvent pertinentes mais elles ne sont pas toujours applicables dans la réalité, dans VOTRE réalité. N’oubliez donc jamais de vous demander si ce que vous souhaitez appliquer à votre famille et à vos enfants est réaliste. Nous n’avons pas tous les mêmes moyens, le même nombre d’enfants, nous n’avons pas tous un partenaire sur qui compter ou un enfant en bonne santé, certains d’entre vous ont une vie professionnelle accaparante… 

Les standards actuels sont devenus trop exigeants pour être suivis à la lettre et il est illusoire de vouloir les atteindre. Les parents idéalistes risquent fort de consumer leurs ressources s’ils cherchent à tout prix à trop bien faire. Le risque est alors de s’épuiser un peu plus chaque jour et de plonger sans s’en apercevoir dans le syndrome d’épuisement parental…

Nous y voilà, vous voulez, mais vous ne pouvez (plus). Le burn-out, n’est pas une dépression, ni de l’anxiété, ni les deux à la fois, ni un simple “pétage de plomb”, c’est une entité bien distincte, définie surtout par la particularité de sa source. C’est bien un phénomène réactionnel, même si bien évidemment, il peut être sous-tendu par d’autres pathologies qui viendront compliquer encore la situation. Le burn-out est un vrai piège dont le nœud gordien est cette intrication entre cette impérieuse nécessité, que le cerveau s’impose de vouloir bien faire (facile alors de comprendre que les perfectionnistes sont aux premières loges) et l’impossibilité de pouvoir s’en extraire. Car spontanément, de la même façon que dans un travail oppressant (et car c’est celui-là même qui vous fait “vivre”) vous ne pouvez l’arrêter du jour au lendemain, même épuisé, même conscient que les choses ne vont pas, dans la parentalité il en va de même. Vous ne pouvez vous extraire de vos enfants, de votre famille, des demandes et injonctions permanentes, quotidiennes… oppressantes. Si dans le burn-out professionnel, votre médecin pourra vous forcer (car il le faut) à vous extraire de la situation qui vous met à mal en vous prescrivant un arrêt de travail, dans le burn-out parental vous protéger passera par l’identification de vos besoins vitaux pour garder la tête hors de l’eau. Ensuite il faudra trouver des points d’accroche pour au final et après un travail nécessaire avec un ou une psychologue enfin en sortir complètement… Le burn-out est une noyade et il va falloir vous sauver, dans les deux sens du terme. Vous extraire des situations devenues insurmontables ET vous sortir enfin de cette mauvaise passe. Car c’est bien ensuite que vous pourrez retrouver le bonheur de vous occuper avec juste mesure de ceux que vous aimez en vous étant, avant tout, occupé de vous, car c’est bien l’impératif dans le traitement du burn-out.

Pour finir cet article je vous partage cette vidéo (une publicité que j’adore !) que vous connaissez probablement mais qui illustre parfaitement la difficulté de la parentalité (en l’occurrence ici de la maternité) et je vous donne rendez-vous très vite pour approfondir ce sujet dans les prochains jours.

A bientôt,

Anne-Sophie.

Bibliographie

Comment traiter le burn-out parental ? Manuel d’intervention clinique, Maria Elena Brianda, Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak, De Boeck Supérieur s. a, 2019

Le Burn-out parental. L’éviter et s’en sortir, M. Mikolajczak, I. Roskam, Odile Jacob, 2020

Le burn out parental, Liliane Holstein,Josette Lyon, 2015

Crédit photo Dan Petrovic

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