
Il existe différentes pathologies, syndromes ou symptômes qui peuvent être liés à la parentalité. Dans cet article je vous propose de passer en revue les plus connus. En passant du classique et fréquent baby-blues aux pathologies psychiatriques plus rares comme les psychoses puerpérales, quels sont ces troubles qui peuvent affecter les parents ?
Le baby-blues
Le baby-blues n’est pas une pathologie mais plutôt un syndrome (ensemble de symptômes). C’est un phénomène très fréquent mais qui reste passager et de courte durée. Il concernerait 80% des femmes mais je n’ai trouvé aucune étude scientifique sérieuse pour affirmer ou contredire de chiffre.
Cet état survient généralement quelques jours après l’accouchement et ce qui le caractérise c’est que les symptômes restent brefs ( de quelques heures à 2 semaines) et supportables.
Voici une liste non exhaustive de symptômes caractéristiques du baby-blues:
- variabilité de l’humeur
- fatigue (même si ce n’est pas étonnant d’être fatigué après une naissance !)
- pleurs et crises de larmes
- irritabilité
- anxiété
- vulnérabilité
- hypersensibilité
- …
Pour ce syndrome, tous les symptômes s’estompent d’eux-même assez rapidement. Cet épisode transitoire s’explique souvent par des variations hormonales importantes au moment de l’accouchement, pourtant, en cherchant quelques données sur le sujet j’ai trouvé des informations contraires et j’ai été la première étonnée ! Je n’étais pas au courant des dernières études sur le sujet et il n’existerait pas de recherche ayant montré une différence significative mettant en cause les modifications du taux de cortisol plasmatique ou de la progestérone ( “Cortisol levels in saliva and mood changes in early puerperium”, F. Bonnin, J Affect Discord., 26(4), 1992, p. 231-232. ). En revanche, il existe des travaux démontrant une corrélation assez franche entre la façon dont la naissance s’est déroulée (si elle a été vécue comme compliquée ou traumatique) et le risque de baby-blues voire de dépression post-partum (Study of the relations between the pain of childbirth and postpartum, and depressive and traumatic symptoms, N. Séjourné et coll, Gynecol Obstet Fertil Senol., 46(9), 2018, P. 658-663.). Les variations hormonales chez la femme sont donc un facteur de vulnérabilité mais ne sont pas la cause. On considère donc que le baby-blues est dû aux variations hormonales uniquement s’il se manifeste dans les 72 heures suivant l’accouchement et s’il reste bref. Il s’agit d’une expérience émotionnelle normale et transitoire. Au delà de 2 semaines on parle alors de dépression du post-partum.
La dépression périnatale
La dépression périnatale correspond à un état dépressif de la mère autour de la grossesse. Avant la naissance on parle de dépression prénatale ou anténatale et après l’accouchement de dépression postnatale ou post-partum. Petite précision qui me semble importante : les pères sont également concernés par ces dépressions… et bien plus qu’on ne l’imagine !
La définition du DSM-5 (qui est la dernière version du manuel diagnostique des troubles mentaux) ne reconnaît pas la dépression postnatale comme un diagnostic à part entière mais comme une spécificité des troubles dépressifs. Les symptômes d’un épisode dépressif majeur “classique” s’appliquent donc à la dépression périnatale. Toujours selon le DSM-5, les symptômes peuvent s’installer avant l’accouchement (c’est assez souvent le cas) mais aussi durant les quatres premières semaines qui suivent la naissance. Néanmoins, de nombreux auteurs soutiennent que la dépression du post-partum peut débuter toute l’année qui suit l’accouchement.
Voici les critères de la dépression selon le DSM-5:
- Au moins 5 des symptômes suivants doivent être présents pendant une même période d’une durée de 2 semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; au moins un des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d’intérêt ou de plaisir.
NB : Ne pas inclure les symptômes manifestement attribuables à une autre affection médicale.
- Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet (ex. : se sent vide ou triste ou désespéré) ou observée par les autres (ex. : pleure ou est au bord des larmes).
- Diminution marquée du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres).
- Perte ou gain de poids significatif en absence de régime (ex. : modification du poids corporel en 1 mois excédant 5 %) ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours.
- Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
- Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constatés par les autres, non limités à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur).
- Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours.
- Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d’être malade).
- Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres).
- Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider.
- Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines importants.
- Les symptômes ne sont pas attribuables à l’effet physiologique d’une substance ou d’une autre affection médicale.
La psychose puerpérale
La psychose puerpérale ou psychose du postpartum est le trouble mental le moins courant de la période postnatale mais c’est aussi le plus dangereux pour la mère et le bébé. Pour vulgariser je dirais que nous sommes dans le domaine de la “folie”. Il s’agit d’une urgence médicale qui nécessite une hospitalisation et un traitement pharmacologique.
Notons que cette psychose apparaît précocement, à partir du 3ème jour post partum jusqu’à la 2ème ou 3ème semaine après la naissance. L’incidence est estimée de 1 à 2 cas pour 1000 naissances. De nombreuses femmes présentant une psychose puerpérale avaient d’ailleurs déjà des troubles mentaux prééexistants (troubles bipolaires ou schizophrénie) et une femme sur 3 atteinte de troubles bipolaires fait son premier épisode en post partum.
Pour décrire rapidement la psychose puerpérale disons qu’elle présente quasi systématiquement un trouble de l’humeur qui peut s’accompagner de perte de contact avec la réalité, d’agitation extrême, de propos incohérent, d’une confusion dans le temps et dans l’espace, de bouffées délirantes, de troubles sévères de la pensée, de troubles du comportement, de passages à l’acte (suicide ou infanticide), de perturbations de la perception (hallucinations) …
Le burn-out parental
Appelé également épuisement parental, le burn-out parental est un syndrome qui a été identifié assez récemment (une dizaine d’années) mais je pense que nous n’avons pas fini d’en entendre parler ! En effet, ces dernières années j’observe de plus en plus, dans ma pratique, des couples parentaux au bord du gouffre. Je ne détaillerai pas ce syndrome ici car je prépare un article consacré au burn-out parental que je publierai prochainement.
Pour commencer, notons que l’épuisement parental peut survenir à n’importe quel moment de la vie des parents. M. MIKOLAJCZAK et I. ROSKAM, les spécialistes du burn-out parental, figures de proue au niveau international, le décrivent comme, je cite : “ un syndrome à quatre facettes : l’épuisement physique et émotionnel ; la distanciation affective d’avec les enfants ; la saturation et la perte de plaisir dans son rôle de parent; auxquelles s’ajoute une dimension de contraste : le parent n’est plus celui qu’il était et voulait être”.
Si vous êtes parents et que vous glissez vers l’épuisement, il existe une application pour accéder à un test à visée diagnostique. Pour savoir si vous êtes concerné ( si vous êtes proche ou loin du burn-out) vous pouvez compléter le test en ligne sur le site https://www.burnoutparental.com/suis-je-en-burnout ). Vous n’avez pas besoin de vous identifier et le test est gratuit et anonyme. Vous recevrez un retour immédiat sur votre risque ou votre niveau de burn-out.
J’espère que cet article n’a pas été trop indigeste à lire ! J’ai édulcoré au maximum les descriptions en essayant de synthétiser, ne gardant que ce qui me paraissait important pour la compréhension des pathologies et des syndromes car bien évidemment c’est en général beaucoup plus complexe que les descriptions que je donne ici.
Avant de vous présenter plus en détail l’épuisement parental dans un prochain article, il me semblait important de faire un rappel sur les autres syndromes et les pathologies liés à la parentalité.
A bientôt,
Anne-Sophie.
Bibliographie
Comment traiter le burn-out parental ? Manuel d’intervention clinique, Maria Elena Brianda, Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak, De Boeck Supérieur s. a, 2019
Le Burn-out parental. L’éviter et s’en sortir, M. Mikolajczak, I. Roskam, Odile Jacob, 2020
Le burn out parental, Liliane Holstein,Josette Lyon, 2015
“Cortisol levels in saliva and mood changes in early puerperium”, F. Bonnin, J Affect Discord., 26(4), 1992, p. 231-232.
“Singing the “baby blues: a content analysis of popular press articles about postpartum affective disturbances”, R. Martinez et coll., Women Health, 31(2-3), 2000, p. 37-56.
Study of the relations between the pain of childbirth and postpartum, and depressive and traumatic symptoms, N. Séjourné et coll, Gynecol Obstet Fertil Senol., 46(9), 2018, P. 658-663.
Cindy Fernandes. Baby-blues et dépression post-natale : évaluation des connaissances des femmes : quelle information ont-elle reçue ?. Gynécologie et obstétrique. 2012. ffdumas-00765348f
Im, Virginie, et Michel Briex. « Baby blues », Spirale, vol. 89, no. 1, 2019, pp. 131-135.